Alors que le débat sur l’énergie sale – terme désignant la production d’énergie qui va à l’encontre des efforts climatiques et nuit aux communautés – fait rage, la Chine continue de dévoiler de nouveaux projets d’exploitation du charbon, allant ainsi à l’opposé des annonces de son gouvernement en faveur de l’écologie ainsi que des préoccupations mondiales sur le climat, comme le rapportent les experts.
Un nouveau rapport du groupe de réflexion américain Global Energy Monitor (GEM) et du Centre de recherche sur l’énergie et l’air pur (CREA : Centre for Research on Energy and Clean Air), basé à Helsinki, révèle qu’avec l’accélération de l’électrification de tous les secteurs en Chine, le pays a approuvé une capacité phénoménale de 106 gigawatts (GW) d’énergie au charbon et a entamé la construction de 70 GW en 2023. La Chine a également mis en service 47 GW de capacité au charbon et annoncé 108 GW de nouveaux projets en 2023.
En plus du « rythme effréné des autorisations observé en 2022 », les nouvelles approbations équivalent à deux nouvelles centrales au charbon par semaine et au démarrage de la construction d’une nouvelle centrale chaque semaine.
« La Chine est très loin d’atteindre plusieurs objectifs climatiques qu’elle s’est fixés pour 2025, et ce en raison de l’augmentation de l’utilisation du charbon et des investissements dans l’énergie au charbon », indique le rapport.
Le rapport ajoute que la production d’électricité à partir du charbon a augmenté de 12 % entre 2020 et 2023, représentant 44 % de l’expansion globale de la production d’électricité.
Près de la moitié (46 %) de la croissance énergétique du pays provient du charbon, pour un total de 70 % de combustibles fossiles, alors que le pays s’était engagé à ce que les énergies renouvelables représentent plus de 50 % de la croissance.
La Chine s’est officiellement engagée à réduire ses émissions de gaz à effet de serre à zéro d’ici à 2030 et a promis de « contrôler strictement » l’ajout de nouvelles capacités de production au charbon et de relier un nombre sans précédent d’installations éoliennes et solaires à son réseau électrique.
Selon les études du GEM et du CREA, la transformation énergétique de la Chine pourrait être ralentie par le récent boom des permis d’exploitation de l’énergie au charbon, qui s’est produit au lendemain d’une vague de pénuries d’électricité en 2021.
En l’espace de deux ans seulement, la Chine a approuvé la construction de 218 GW de nouvelles centrales au charbon, ce qui est suffisant pour alimenter un pays comme le Brésil.
Selon le rapport, des « mesures draconiennes » sont désormais nécessaires pour atteindre les objectifs de réduction des émissions de carbone et d’intensité énergétique d’ici à 2025. Il prévient que la Chine pourrait également rencontrer des difficultés pour atteindre son objectif d’augmenter la proportion de combustibles non fossiles à 20 % de l’ensemble des sources d’énergie d’ici la même année.
Les analystes affirment que l’énergie du charbon contribue déjà à environ 70 % des émissions en Chine.
Capacité suffisante
Les pénuries d’électricité sont également souvent citées comme une raison majeure justifiant la construction de nouvelles centrales au charbon, mais Vibhuti Garg, analyste à l’Institut pour l’économie de l’énergie et l’analyse financière, affirme que la Chine dispose d’une capacité de production suffisante pour répondre à la demande d’électricité, même pendant les pics de consommation estivaux.
« Bien que la Chine soit une économie en pleine croissance, son énorme capacité de production de charbon reste remarquable et préoccupante, puisque les centrales électriques au charbon fonctionnent à faible capacité », a souligné Mme Garg à Epoch Times.
« Le rythme actuel d’ajout d’infrastructures en Chine ne justifie pas l’augmentation de ses capacités de production de charbon, et nous ne comprenons pas pourquoi la Chine ne se concentre pas sur l’utilisation à pleine capacité des centrales électriques existantes. »
Elle ajoute que la Chine n’a pas clairement indiqué si les nouvelles capacités remplaceraient les centrales plus anciennes et inefficaces.
Selon le CREA, le fonctionnement rigide et obsolète du réseau est à l’origine des pénuries. Dans certaines régions desservies par le réseau, l’offre de capacités de production d’électricité à partir du charbon est désormais excédentaire, alors que 60 % des nouveaux projets de centrales au charbon s’y trouvent. Par exemple, dans les provinces de Shandong et de Guizhou, où les capacités inutilisées sont importantes, de nouvelles centrales au charbon sont en cours de construction.
« L’essor continu des permis de construire et des chantiers de centrales au charbon en Chine continue de s’opposer à la promesse du président Xi Jinping de contrôler sévèrement les nouveaux projets d’énergie au charbon, et ne répond pas aux attentes du reste du monde. Construire à outrance des centrales au charbon ‘juste au cas où’ en se disant ‘on verra plus tard’ est un pari coûteux et risqué, surtout quand il existe des solutions alternatives permettant d’atteindre les objectifs fixés et de répondre aux questions de sécurité énergétique », a fait remarquer Flora Champenois, analyste chargée de la recherche au Global Energy Monitor.
Toutes les promesses climatiques s’égarent
L’engagement climatique de « contrôler strictement les nouvelles centrales au charbon » n’est qu’un des nombreux points sur lesquels la Chine éprouve des difficultés à se conformer.
D’ici 2025, la Chine a annoncé vouloir réduire considérablement son utilisation d’énergie, son empreinte carbone et limiter fortement le développement de son utilisation de charbon, conformément à son engagement dans le cadre de l’Accord de Paris. Un autre objectif des plans quinquennaux du pays est de tirer plus de la moitié de la croissance de la consommation d’énergie de sources renouvelables d’ici 2025 et de porter à 20 % la proportion de combustibles non fossiles dans le bouquet énergétique.
Mais après 2023, aucun de ces objectifs ne verra le jour, affirme le CREA.
La croissance du PIB en Chine a diminué pendant et après les années « zéro Covid » (2020-2023), alors que les émissions de CO2 ont grimpé en flèche. Au cours de cette période, le secteur des services, qui consomme moins d’énergie, était en chute libre, tandis que les industries à forte intensité de carbone stimulaient l’expansion économique. Selon l’étude de CREA sur les statistiques gouvernementales préliminaires relatives à la consommation d’énergie en 2023, les émissions de CO2 de l’industrie de l’énergie ont augmenté de 5,2 %.
Le processus de décarbonisation est complexe et long, explique Xuyang Dong, analyste de la politique énergétique chinoise chez Climate Energy Finance. Il nécessite une main-d’œuvre déterminée et ambitieuse, un effort politique du gouvernement et des entreprises soutenu par une recherche solide et, surtout, un engagement considérable de ressources.
Orienter efficacement l’ensemble de l’économie vers un avenir zéro carbone nécessite également une planification stratégique à long terme, en anticipant les tendances du marché pour les 10 ou 20 prochaines années.
« Pour parvenir à la décarbonisation, il ne suffit pas de s’intéresser aux gains financiers à court terme ; une réforme structurelle profonde de l’économie du pays est la condition préalable pour prospérer à partir de la décarbonisation, tant sur le plan environnemental que sur le plan économique », a-t-elle écrit dans une note.
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